J'ai rencontré l'hazard

De cinema-theatre
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J'ai rencontré l'hazard

J'ai rencontré l'hazard

Au bord du loin, j'ai rencontré une péniche à l'entrée belle et rafistolée comme le cosmos habité, avec ses plantes et ses bazars bien rangés et son système de cloche rafistolée.
Ce lieu semblait habité comme une forêt magique pleine de fétiches.

Un homme vieux et tout sourire sortant de la péniche, je lui demande de me permettre de photographier cette entrée merveilleuse et comme il refuse, je lui tend la main, mais il se rétracte.
Il me dit qu'on l'appelle Dieu, Samuel l'Hazard, et qu'il serre pas les mains.
Souvent, Samuel nous apporte des mets délicieux ramassés derrière intermaché, en nous donnant quelque bon jeu de mot avec son humour mystique. Je le paie en lui chantant des poèmes sur les secrets des poubelles.

Mais un jour, la rivière déborde et monte jusqu'à dépasser les crues les plus anciennes connues.
Cette catastrophe amenant cette magie où tout le monde s'entraide, cette magie d'un partage qui guérit pour un temps toute la bêtise humaine, toute la haine.
Sauf que les gens d'à terre sont aidés en premier, dans cette ville de vils propriétaires.
Et Samuel ne veut pas quitter la péniche mystique qu'il habite tant avec tous ses souvenirs...
Il plantait les arbres fruitiers et disait en me regardant dans les yeux :
«Les fêlés laissent passer la lumière».
«Il n'y a pas de hasard.» me disait toujours Samy L'Hazard qu'on appelle Dieu.

Depuis l'inondation, mon ami a tant maigri qu'on l'a transpercé de perfusions, qu'il a d'ailleurs bricolé avec des bouts de fil de fer pour faciliter le passage des liquides et le bouchon de l'orifice. Il voulait me donner sa péniche mais j'ai refusé, car lui ôter son petit cosmos, ce serait le tuer !

J'ai fabriqué la machine à concilier les rêves contradictoires en affrontant la matière dans ce monde de dissimulation et d'interface, et j'offrirais le C++ à tous les clochards pour qu'ils ne se laissent pas conditionner.
Est-ce vain de vouloir regarder l’œil tout entier ? Peut être une paupière mi-close serait moins sévère...

Même si vous trouvez vain mon rêve de concilier l’intérêt commun sans frontière, si un jour, par hasard, vous passez devant la péniche Dieu, venez y inscrire votre mémoire singulière dans la machine des rêves contradictoires.

Julien Stiegler, 1er janvier 2017

Ce texte est utilisé dans le spectacle L’Épopée des rêves contradictoires