La Charrette Orchestrale
Ce matin, j'ai rédigé le statut de notre association :
Les pédales multiples permettent à chacun de contribuer à la propulsion.
La rotation, qui produit un rythme complexe en insérant des obstacles particuliers dans les rayons des roues, encourage les rêveurs nomades à pédaler.
La vitesse de la charrette défini le tempo musical.
Ce tempo varie comme un orgue de Barbarie en fonction de la tension narrative des textes déclamés dans un chaos de rêves contradictoires par les passagers.
Des remorques en nombre infini peuvent s'ajouter à l'arrière, avec leurs propres pédales.
Le guidon varie la hauteur des notes sans contrainte harmonique.
De beaux entrelacs produiront des triades majeures.
Les wagons peuvent tout à la fois bénéficier de la propulsion de la charrette avant et maintenir une certaine liberté de virage grâce à une attache assez longue et souple d'au moins un mètre, permettant à chaque wagon de produire sa propre mélodie tout en épousant la trajectoire mélodique générale des nomades.
Les virages s'effectuant dans un sillon commun ont toutes les chances de créer des harmonies consonantes, mais le retard de chaque wagon produira des intervalles de tension délicieux.
Le confort du siège est essentiel pour que les rêveurs vivent exclusivement sur la charrette, de la naissance à la mort. Pour cela comme nous ne seront nourrit que par la charité (charité du latin charitus orchestralus décliné du sumero-akadien) nous éviterons les fauteuils en cuir, et privilégierons la paille champêtre.
A l'étage inférieur aux sièges se trouve le matériel sonore (mixette et amplis).
La structure générale sera assez aérée.
Le grincement est essentiel à une bonne effervescence politique des rêves moisis.
Nous comptons sur la pluie pour faire rouiller les roulements.
L'huile bénite sera permise uniquement en cas de blocage complet des roues.
La résistance ainsi produite par la rouille créera une souffrance permettant de rêver à la fin de la souffrance.
Les animaux seront les bienvenues et tous les infirmes les enfants et les vieux seront dispensés de pédalage.
Ils seront à la proue, rêveurs dissonants faisant un grand nombre de notes, que les valides devront soutenir en pédalant.
Les nœuds complexes de mots entrechoqués et les grappes de notes indigestes produites seront le sujet à décortiquer dans la symphonie.
Il sera donc demander à tous les malades de prendre leur temps et d'avoir pitié des valides.
Julien Stiegler, le 22 décembre 2015